Violences conjugales, métiers de première ligne et fracture numérique, à chaque fois, les femmes sont dans la ligne de mire, comme le révèle la crise du covid en aggravant la situation. L’auteure, Stéphanie Wattier demande que gouvernement et parlement mettent la protection des droits des femmes au rang de leurs priorités

Stéphanie Wattier

 

https://plus.lesoir.be/359334/article/2021-03-07/carte-blanche-journee-internationale-du-8-mars-les-droits-des-femmes-sont-ils-en

 

Après une année de crise liée à la pandémie de Covid-19, la journée internationale de ce 8 mars est l’occasion de se questionner sur la situation des droits des femmes.

 

Les mesures décidées par le gouvernement fédéral depuis mars 2020 ont eu un impact négatif sur les droits des femmes à de nombreux égards. Ces mesures ont été révélatrices d’inégalités qui existaient d’ores et déjà de longue date entre les femmes et les hommes, et la crise sanitaire n’a fait que les accentuer.

 

Premièrement, le confinement a eu pour conséquence l’augmentation des violences conjugales, et spécialement des violences à l’égard des femmes. Durant la période de confinement strict de mars et avril 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé a observé, dans l’ensemble des pays membres, une augmentation de 60 % des appels de détresse sur les lignes d’urgence de la part de femmes victimes ou menacées de violences de la part de leur partenaire. A cet égard, n’oublions pas que des obligations en matière de protection des femmes contre toute forme de violence pèsent sur la Belgique, qui est liée par la Convention d’Istanbul. L’accord du gouvernement fédéral d’Alexander De Croo du 30 septembre 2020 précise d’ailleurs que « [l]e gouvernement fera de la lutte contre la violence basée sur le genre une priorité. La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique servira de ligne directrice à cet égard. La lutte contre la violence de genre doit être menée dans tous les domaines par une approche intégrale ».

 

Deuxièmement, la crise sanitaire a mis en évidence le fait que les métiers dits « de première ligne » – c’est-à-dire surexposés au risque de contamination – restent très majoritairement exercés par des femmes (infirmières, guichetières, vendeuses en magasin, caissières, ouvrières du nettoyage, etc.). Si ces métiers ont été caractérisés d’« essentiels », d’« indispensables », de « cruciaux », ils ont également été qualifiés de « trop peu reconnus » et de « sous-rémunérés », montrant ainsi l’importante évolution nécessaire en la matière. La surreprésentation des femmes dans les métiers moins rémunérés demeure, en effet, l’un des facteurs qui expliquent la persistance d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

 

Troisièmement, la crise a révélé que la fracture numérique – à savoir les inégalités dans l’accès au numérique – était plus importante dans le chef des femmes que dans celui des hommes. Un baromètre du SPF Économie a montré que cette réalité concerne l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Le passage au « tout numérique » (obligation du télétravail, des vidéoconférences, etc.) pour des raisons sanitaires a donc été le vecteur d’inégalités entre travailleuses et travailleurs.

 

Ces trois illustrations des inégalités à l’égard des femmes, qui ont été accentuées par la crise, sont évidemment non exhaustives. Elles sont néanmoins révélatrices de la prise de conscience et de l’évolution qui est nécessaire à tous les niveaux pour lutter contre les discriminations à l’égard des femmes. L’UNESCO a d’ailleurs fait part de ses préoccupations à leur sujet en indiquant qu’ « nous savons que les filles et les femmes risquent d’être davantage exposées au virus, en tant que membres du personnel de santé et que soignantes. À la maison, elles pourraient se retrouver surchargées de travail non rémunéré, ne pas être en mesure de poursuivre leurs études à distance et subir plus de violences domestiques. Ces risques compromettent leur retour à l’éducation ».

 

En ce 8 mars 2021, appelons le parlement et le gouvernement à placer la protection des droits des femmes et la réduction des inégalités de genre au rang de leurs priorités, afin que la crise sanitaire du coronavirus – qui laissera derrière elle une crise économique – ne soit pas réalisatrice des craintes formulées par Simone de Beauvoir il y a près d’un siècle, qui résonnent particulièrement aujourd’hui : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».